- Serge Escots, anthropologue, psychothérapeute familial, coordonnateur de DU à l’université de Toulouse Jean Jaurès campe le décor avec son intervention : toxique ou compétent ? anthropologie clinique de la parentalité et de ses empêchements.

Il existe deux concepts symboliques de la parentalité : celui du parent toxique centré sur les dysfonctionnements parentaux et celui des compétences parentales centré sur les ressources. Ces concepts sont insuffisants pour créer une bonne qualité d’alliance avec les parents et pouvoir protéger l’enfant. L’anthropologie clinique propose une alternative à ces écueils en définissant les fonctions essentielles pour pourvoir aux besoins de l’enfant et la clinique permet de penser le développement psychique du parent. L’anthropologie clinique définit la parentalité comme étant un processus susceptible d’être empêché : il ne s’agit donc pas de cibler les empêchements du parent mais le processus de parentalité empêchée. En savoir plus : https://www.youtube.com/watch?v=50RpIc7pmWM

- Bernard Golse, pédopsychiatre et psychanalyste : parents réels, imaginaires et symboliques en protection de l’enfant.

Après avoir entériné la difficulté de travailler autour de la dysparentalité, Bernard Golse évoque les 3 axes de la parentalité (cf. Didier Houzel : les enjeux de la parentalité) à savoir l’exercice, l’expérience et la pratique de la parentalité. Les aspects juridiques de la parenté et de la filiation définissent l'exercice de la parentalité, l'expérience de la parentalité est désignée par la part subjective consciente et inconsciente à devenir parent et à remplir les rôles parentaux et enfin la pratique de la parentalité est représentée par les tâches quotidiennes que les parents ont à remplir auprès de l'enfant afin de répondre à ses besoins. Marie Rose Moro définit un 4ème axe : se sentir parent de cet enfant là (filiation narrative). Il met en garde les travailleurs sociaux contre la préconception de la place du parent en faisant référence à Darian Leader et à la place vide de l’objet dans « ce que l’art nous empêche de voir ».  Il préconise de rester vigilant, de ne pas s’engouffrer dans l’impasse qui serait de penser que tout vient des parents et de ne pas succomber au fantasme du super parent réparateur.

- Sandrine Clergeau, psychologue à l’ASE de Paris et thérapeute familiale : faire famille à l’ASE ?  

Rappel des missions de l’ASE et de la définition de la CIDE. Le paradoxe de la protection de l’enfance est de séparer les familles pour mieux les regrouper, de maintenir le lien afin que les enfants retournent vivre au plus vite avec les parents. Comment permettre aux familles de l’ASE avec des symptômes pathogènes très résistants transmis de génération en génération de se relier autrement ? comment favoriser l’émergence d’une historisation ? En utilisant ce fonctionnement paradoxal « réunir pour mieux séparer » par des entretiens familiaux appelés néo groupes proposant un travail familial co-construit transitionnel.

- Laurette Detry, psychologue clinicienne : absence physique du parent : quelle présence psychique pour l’enfant ?

Visionnage d’un film de 1969 sur un petit garçon de 17 mois, John, qui est un enfant placide, facile à gérer. Il passe neuf jours dans une crèche résidentielle. Les infirmières sont jeunes et amicales, mais le système de prise en charge ne permet à aucune d’elles de se substituer à la mère absente. John s'efforce de nouer des relations, mais personne n’est là pour prendre la place de la mère pendant ces 9 jours de séparation et John devient de plus en plus en détresse. Quand sa mère viendra pour le ramener à la maison, il ne l'acceptera pas et luttera pour sortir de ses bras. Il regarde sa mère d'une manière qu'elle n'a jamais vue auparavant. La vie psychique n’a pas été travaillée ; c’est dans les soins corporels que se construit la vie psychique.

- Michèle Savourey, psychologue et médiatrice familiale : l’approche médiation, un changement de posture professionnelle en protection de l’enfant.

Son parcours professionnel l’a amené à chercher une formation complémentaire à la systémie et à la thérapie familiale afin de réfléchir sur l’alliance parents-professionnels : la médiation familiale.  L’approche-médiation qu’elle expérimente dans son travail est un modèle d’intervention créée par Pierrette Brisson, pionnière québécoise de la médiation en protection de l'enfance et elle-même. Ce modèle d’intervention renforce l'implication des familles dans la résolution de leurs difficultés ainsi que dans la mise en œuvre des changements nécessaires pour assurer la protection et la prise en compte des besoins de leur enfant. L'Approche-médiation s'applique dans tout contexte professionnel de prise de décisions où les enjeux relationnels entre les intéressés sont importants, ceci en favorisant la participation et l'engagement de ces derniers afin de parvenir à des solutions consensuelles. Deux points forts sont à retenir : exigence pour l’enfant (évaluation du risque de danger, besoins à satisfaire afin d’assurer son développement) et une meilleure relation avec les parents (donner du poids à ce qu’ils disent). Cette méthode à une visée modeste et doit permettre aux parents de trouver par eux-mêmes des solutions pas à pas. Croire aux compétences ne relève pas d’une pensée naïve mais ravive le sens profond de la narrativité.

- Emmanuelle Bonneville-Baruchel, docteur en psychologie, psychologue clinicienne, maitre de conférences en psychologie clinique-université Lyon : obstacles, conditions et limites dans le travail avec les parents pour la mise en place d’un soin psychique pour l’enfant.

Intervention sur la mise en place de soins psychiques en protection de l’enfance et maintien des soins. Les jeunes suivis présentent des troubles sévères de l’attachement car ils ont subi des traumatismes relationnels précoces et répétés et beaucoup continuent malgré les mesures de protection de l’enfance à être confrontés à une réalité externe difficile. La dimension de soins psychique est une préconisation depuis de nombreuses années mais les projets de service ne sont pas toujours réels et les intervenants montrent souvent une résistance à penser les liens.

Le refus parental aux soins est une logique paradoxale à comprendre si l’on veut tenter de sortir du conflit et de l’impasse thérapeutique. Il révèle souvent un problème personnel des parents souffrant de carences narcissiques. Il s’agit d’un déni de leur souffrance : le soin psychique est vu comme une nouvelle attaque ou une humiliation et devient source d’angoisse. Reconnaitre que leur enfant a des troubles psychiques c’est se remettre en cause. La proposition de soin par le personnel soignant va susciter une attaque envieuse (cf. Albert Ciccone : la part du bébé envieux) chez le parent, envieux de cette attention et des soins dont lui-même a été privé. La négociation de la mise en œuvre des soins devient le théâtre d’une lutte de pouvoir : qui détient alors l’autorité parentale ? Cette lutte de pouvoir va se jouer d’abord avec l’autre parent (fantasmes paranoïaques, l’autre parent fait alliance avec les soignants) puis avec les professionnels (judiciarisation de l’accès aux soins dans les cas extrêmes). La recherche de l’adhésion des parents est cruciale et doit être réaffirmée à chaque fois afin que les parents se sentent reconnus et désirés par les soignants.