La conférence du 10 décembre était destinée à mieux comprendre l’histoire des pratiques d’accueil pour mieux comprendre celles du temps présent, avec une meilleure prise en considération des compétences du jeune enfant. Lors de cette conférence, Marie-Laure Cadart et Geneviève Appell ont longuement insisté sur la nécessité de regarder et écouter le bébé, et pointé le lien très fort existant entre l’observation et le travail clinique : « le regard est au bébé ce que l’écoute est aux adultes ». Il ne s’agit pas d’une observation pour scorer l’enfant, mais au contraire pour élargir la compréhension et la connaissance du bébé. L’observation est également indissociable du travail sur les interactions précoces. L’observation, lorsqu’elle prend la forme d’une présence disponible à l’enfant, constitue une interaction soutenante pour l’enfant qui s’engage bien plus dans l’activité que lorsqu’il n’est pas sous le regard de l’adulte – professionnel de l’accueil ou parent. Les interactions précoces doivent pouvoir sécuriser l’enfant pour lui permettre d’explorer librement par les jeux, par la motricité, par son corps, tout en revenant à sa base de sécurité lorsqu’il le souhaite. En laissant la place à l’imprévu, le milieu où se développe l’enfant devient « sécurisé, sans être sécuritaire ».

Or, pour garantir l’existence de ce « havre de paix » tel que visé par Maël VIRAT, psychologue, chercheur à l’ENPJJ, intervenant à l’occasion de la journée technique de l’Andass du 13 décembre, il est nécessaire de sécuriser le cadre de travail. En effet, pour s’occuper des enfants, il faut également s’occuper des adultes. En ce sens, le développement des connaissances liées à l’émergence de la pédopsychiatrie infantile a permis de mieux connaître les enfants tout au long de leur développement, mais également de mieux former et qualifier les professionnels. Vis-à-vis des parents, le statut et la transmission de cette connaissance est plus subtile, il s’agit de la confronter aux savoirs expérientiels des parents, en se prémunissant d’une connaissance toute puissante sur l’enfant : « chacun fait comme il le peut », comme l’a rappelé Marie-Laure Cadart. Le développement de ces connaissances théoriques et pratiques doit être accompagné par la garantie d’un cadre institutionnel suffisamment sécure. Selon Daniel Rousseau, pédopsychiatre intervenant à la journée de l’ANDASS, l’image des poupées russes est intéressante, car elle permet de mieux comprendre les différents niveaux « préoccupation » autour de l’enfant. Le cadre institutionnel vient soutenir les professionnels dans la relation à l’enfant, « pour leur permettre d’être dégagé des inquiétudes », et le cas échéant, pour leur permettre de soutenir la parentalité. Si le travail des administrateurs est celui de garantir à un service de fonctionner, la préoccupation des travailleurs sociaux doit être exclusivement celle d’accompagner au mieux l’enfant dans une relation « suffisamment bonne », en oubliant aucun enfant, comme le rappelle Marie-Laure Cadart en citant Myriam David.

La conférence de Marie-Laure Cadart se termine par un questionnent fondamental car profondément éthique : « pourquoi les bébés intéressent-il tant ? » De son côté, Maël Virat s’est intéressé à conceptualiser cette forme d’intérêt qui s’exprime dans la relation entre l’enfant et l’adulte. Qualifiée d’«amour compassionnel », cette relation est un puissant moteur pour prendre soin de l’enfant, et agit comme une satisfaction du besoin d’attachement et d’affiliation de l’enfant, visés par Daniel Rousseau dans sa présentation lors de la journée technique de l’ANDASS.

Mais selon Marie-Laure Cadart, « il ne faut pas être naïf vis-à-vis des raisons qui justifient tout cet intérêt pour les enfants et les bébés en particulier ». Porter la réflexion sur l’idée émergente de l’« investissement social » conduit selon elle à se prémunir d’une politisation excessive de la question des bébés, et plus globalement de la protection de l’enfance. L’investissement social et politique du champ de la petite enfance, et de la protection de l’enfance doit être réalisé sans arrière-pensée d’une « rentabilité » à moyen et long terme. Le seul investissement social doit être réalisé au profit de cette ambition communément partagée par l’ensemble des intervenants de ces deux journées, et mise à l’écran par Bertrand Haagenmüller, à savoir soutenir les professionnels dans leur capacité à être à leur place, dans l’observation et l’investissement pour l’enfant, « à ses côtés ».